Pourquoi les banques continuent-elles à s’accaparer le marché de l’assurance emprunteur ?
Parce que ce service « assurantiel » leur rapporte beaucoup d’argent, les établissements de crédit déploient une énergie folle à truster, coûte que coûte, ce marché ! Avec 85 % de contrats souscrits au sein de leurs réseaux, ces derniers continuent donc à se frotter les mains. C’est indéniable. Les consommateurs, pourtant de mieux en mieux informés, continuent – par pression ou par méconnaissance de la règlementation – à signer les yeux fermés…
Avec l’avènement de la loi Lemoine et le vaste élan de communication qui en découle depuis l’été 2022, la situation pourrait progressivement s’inverser.
Indéniablement, le marché de l’assurance de prêt est fort juteux. Et cela ne date pas d’hier.
Faut-il rappeler que les banques sont en première ligne pour placer leurs contrats d’assurance de prêt dit « contrats groupe » parce que ces derniers s’inscrivent dans le prolongement immédiat du crédit qu’elles consentent à leurs Clients.
Ensuite, il faut savoir que les banques prêteuses sont systématiquement « clauses bénéficiaires » de ces contrats (cela fait l’objet d’une mention explicitement stipulée dans les contrats). Ainsi, en cas de décès ou de PTIA (Perte Totale et Irréversible d’Autonomie) de l’emprunteur, le remboursement intégral du capital restant du a lieu en direction de la banque et non envers l’héritier légal de l’assuré décédé ou handicapé (conjoint par exemple). Ce qui est somme toute normal dans une logique de couverture du risque, risque porté quasi exclusivement par le banquier-prêteur dans une opération immobilière (sauf apport important de la part des Clients).
Il faut savoir, enfin, que ce produit est aujourd’hui l’un des plus margeant du marché ! Les montants sollicités en terme de prêt immobilier sont certes importants – on parle parfois de plusieurs millions d’euros comme à Paris – mais, proportionnellement, l’accidentologie est assez faible. Dans un contexte de guerre des taux, le produit « garantie emprunteur » est donc pour les banques une manière de compenser leur manque à gagner au niveau du crédit lui-même. Pour faire simple, la banque baisse ses taux de crédit mais « se refait » sur les contrats d’assurance de prêt qu’elle commercialise. A tel point que fin 2017, un nouveau rebondissement est survenu dans le feuilleton de l’assurance emprunteur. En effet, la Fédération Bancaire Française (FBF) a introduit une demande auprès de l’Etat pour empêcher l’accès à tous les emprunteurs à ce marché nouvellement libéralisé. Les banques et certaines compagnies d’assurance (celles appartenant aux banques en l’occurrence) ont ainsi fait pression sur le Conseil Constitutionnel pour obtenir l’annulation de l’extension prévue à l’article 10 de la loi n°2017-203 du 21 février 2017. Parmi leurs arguments, les acteurs financiers ont considéré les nouvelles dispositions comme contraires aux articles 4 et 16 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (rien que ça) qui garantissent le droit au maintien de l’économie des conventions, légalement conclues. Un argument peu convainquant sous forme de baroude d’honneur puisque le Parlement n’a finalement rien cédé et a entériné le nouveau texte au profit des assurés.
La loi Bourquin (2018) a ensuite prolongé le mouvement jusqu’à la loi Lemoine de juin 2022 qui a fini la libéralisation totale d’un marché que les banques ne lâchent toutefois pas. En effet, elles réforment leur stratégie en revoyant la politique tarifaire de leurs contrats groupe (à la baisse en l’occurrence) ou signent des accords avec certaines compagnies pour proposer, elles aussi, des contrats en délégation.